Mauvais karma [libre]

C'est à se demander comment il pouvait passer inaperçu dans cet endroit public, lunettes d'aviateur sur la tête. Il faut avouer que James pouvait facilement être un personnage étrange, même s'il trouve tout de même le moyen de faire en sorte que les éléments qui le rendent unique le fondent à la fois dans la masse. Comme si son excentricité était normale, naturelle, même pour tout le public autour de lui. Oui, il lui arrivait de se faire regarder de travers, surtout dans un endroit aussi formel que l'hôpital.

Nul besoin de prendre l'assenseur, avec tous les gens qui tentent d'y entre, Jamieson avait intérêt prendre les escaliers. De cette façon, il arriverait beaucoup plus rapidement à sa destination, qui nous est toujours inconnue jusqu'à maintenant. Poussant la porte des escaliers pour se retrouver sur un étage presque condamné, il savait exactement où il se dirigeait et ça parraîssait. Il enfila rapidement l'uniforme de sûreté et pénétra dans une pièce qui rappellait celles des films.

«Ne t'inquiète pas, je ne suis pas là pour te faire du mal ou quoi que ce soit. La pire chose qu'il puisse arriver, c'est que je vais te laisser comme tu es sans rendre ton état encore plus lamentable... euh, sans rendre ton état plus dangereux.»

Il ne prit pas la peine de s'apporter une chaise, s'appuyant sur ses genoux pour créer le confort entre lui et le plancher. Inutile de dire que ce n'était pas confortable du tout. Il mit la paume de sa main contre le ventre de la jeune fille et ferma les yeux pour se concentrer. Près de trente minutes passèrent sans qu'aucun des deux ne fasse un seul geste. Normal que la jeune fille ne fasse pas un seul geste puisque sa paralysie complète ainsi que son état comatique l'empéchait de faire bien des choses, en plus des nombreuses maladies contagieuses qui atteignaient chacun de ses organes.

James se releva d'un seul coup puis quitta la pièce en un coup de vent. Il prit un crayon et laissa un mémo sur la porte directement et enleva l'habit qui le protégeait. Empruntant l'ascenseur cette fois-ci, il se dirigea à l'extérieur. Perdu dans ses pensées, il ne réalisa pas qu'un véhicule allait directement dans sa direction à une vitesse pas très élevée, mais probablement illégale d'un point de vue légal. Il entendit soudainement le bruit des pneus sur l'asphalte qui annonçaient un freinement brusque. Même pas le temps de se retourner, il se retrouva sur le capot de la voiture sans vraiment de douleur, seulement un choc soudain dû à la surprise.

Je suis désolé de ne pas pouvoir t'aider plus
Ce mémo qu'il avait laissé sur la porte de chambre d'hôpital de Cynthia Bellamare lui revint en tête quand sa tête heurta le métal de la voiture. Si ses pouvoirs ne pouvaient lui permettre de sauver la vie de personnes innocentes comme elle, à quoi est-ce que ça servait d'avoir des dons?

James & Cynthia
« Mauvais karma »

Cynthia ignorait totalement se qu'elle fichait dans ce fichu hôpital. Entourée de gens normaux ; des gens malades et qui souffraient. Bien heureusement, son pouvoir d'empathie qui lui jouait encore trop souvent de sales tours ne l'avait pas trahie depuis qu'elle était entrée dans le bâtiment. Elle n'avait donc pas ressentie des sentiments ou des émotions qui auraient pu la rendre vulnérable. Elle était donc en parfaite santé. Cette pensée la fit sourire ; qu'elle était bien ici, entourée de minables gens.

En fait, elle avait atterri là par pure envie de voir souffrir. Sans oublier le fait que l'une de ses victimes se trouvait dans une des chambres, entre la vie et la mort. Elle voulait savoir s'il s'en sortirait. Et s'il s'en sortirait, elle le tuerait. Quoi de plus simple ? Comme s'il ne lui avait pas causé assez de soucis comme ça ! De toute manière, quoi qu'il advienne, il allait mourir. Et quand Cynthia décidait de quelque chose, elle le faisait.

Elle était dans le hall de l'hôpital, son look de bimbo faisait tâche dans ce lieu de maladie, avec ses escarpins à hauts talons et son sac provenant tout droit de la nouvelle collection d'une de ces grandes marques qui fait ravage aujourd'hui. Depuis plus de 2000 ans, Cynthia s'est toujours fixé le but d'être élégante, et à la pointe de la mode. C'est un rituel. Enfin, un besoin vital (si on peut dire ça ainsi) plus qu'un rituel, en fait. Elle marchait dans le hall, le bruit de ses talons rythmant son allure de top model en mal de producteur, lorsqu'elle remarqua un individu qui faisait aussi tâche qu'elle. Elle l'observa longtemps. Il hésitait à prendre l'ascenseur rempli, ou l'escalier désert. Il choisit la deuxième solution. Cynthia décida de lui emboîter le pas.

Rien que de dos, il est vraiment pas mal. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle ne pouvait pas s'empêcher de faire des remarques sur tous les hommes qu'elle croisait. Et ce depuis sa création. Elle les voyait tous comme des pions, des pions qu'elle se devait d'avoir en sa possession. Et la plupart du temps, elle finissait toujours par les avoir de son côté. Il faut dire qu'elle avait le charme naturel et le charme démoniaque. Qui aurait pu lui résister ?

Elle entreprit de le suivre discrètement, essayant tant bien que mal de faire taire ses talons. Elle le vit s'engager dans un couloir qui lui était strictement interdit. Tant pis elle attendrait. Tout vient à point à qui sait attendre. Et elle savait qu'il en sortirait.
Elle attendit longtemps, scrutant ses ongles entretenus, remettant ses cheveux en place, pensant à qui elle pourrait bien avoir dans son lit le soir même. Elle attendit quoi, 20 min ? 40 peut-être ? Avec l'âge, Cynthia avait perdu toute notion du temps. Mais quand elle entendit des pas résonner de l'autre côté de la porte interdite, elle se dissimula derrière la colonne blanche et froide.

Ok, de profil aussi il est pas mal. Elle émit un tendre sourire avant de s'engouffrer derrière la porte d'où il venait de sortir. Il devait y avoir quelque chose ... Son instinct de tueuse curieuse la poussa à se demander si le jeune homme ne venait pas de tuer quelqu'un, lui aussi. Elle voyait le mal partout.
Elle marcha, scrutant les portes, essayant de deviner où il était allé. Et enfin, elle vit une porte mal fermée. Elle y entra.

Une femme était allongée dans un lit, mais ce qu'elle vit en premier, ce fut le petit post-it sur la porte. Je suis désolé de ne pas pouvoir t'aider plus. Puis un petit "J" presque illisible. Je suis désolé de ne pas pouvoir t'aider plus.
Cynthia haussa un sourcil. Elle venait peut-être de trouver quelque chose : un être hors du commun, comme elle.
Elle se précipita dans le couloir, se jeta dans les escaliers à toute vitesse et sortit en trombe de l'hôpital. Elle eu juste le temps d'apercevoir qu'une voiture fonçait sur le jeune homme. De suite, elle eu peur, mais quand elle vit que le jeune homme n'avait absolument rien, peut-être juste était-il sonné par le choc, elle rit.

Elle rit parce qu'elle trouvait cet être absolument pathétique et en même temps fascinant. Et elle savait ce qu'il venait d'essayer de faire pour cette fille.
Elle descendit les quelques marches qui menaient à la porte de l'hôpital, se posta sur le bord du trottoir, juste à quelques mètres du jeune homme. Elle prononça juste quelques mots, avec sa voix douce et calme :

« C'est plutôt noble ce que tu viens d'essayer de faire. »

Puis elle se mit à rire de nouveau. Ce rire froid. Ce rire agaçant.